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La transmission du yoga par Driss Benzouine

driss benzouine

Pourquoi transmets-tu le yoga ?

Dans mon expérience personnelle, la transmission du yoga n’était pas forcément un choix. Elle est venue dans ma vie naturellement après un cheminement personnel.

Cette question m’invite à revenir à mon histoire. Comment j’ai découvert le yoga ? Qu’est-ce que le yoga est venu faire dans ma vie et qu’est-ce qu’il est devenu ?

 J’ai découvert le yoga après un burnout et une dépression. J’étais étudiant et après un échec scolaire au bac alors que j’étais brillant, je me suis posé beaucoup de questions existentielles, notamment sur la culture dans laquelle j’ai grandi au Maroc.

A l’époque je lisais beaucoup et je suis tombé par hasard sur un livre sur le yoga :

Les premiers pas de Bernard Bouanchaud

Ma démarche vers le yoga a été dans un premier temps motivée par l’envie de me soigner, de me faire du bien. J’ai été à la recherche d’un enseignant. J’ai rencontré une femme qui a beaucoup compté dans ma vie. Dès le premier cours de yoga ça a été fabuleux. Je n’avais pas beaucoup de moyens car j’étais étudiant. Elle m’a beaucoup encouragé en me proposant simplement une participation symbolique. Dès le départ, elle m’a accueilli pour m’enseigner le yoga car elle a perçu que c’était pour moi une question existentielle.

En 3 mois j’ai retrouvé une santé nouvelle, une grande motivation alors que j’étais sur le point d’arrêter les études. J’ai commencé à pratiquer régulièrement, à lire beaucoup. J’ai eu mon bac, j’ai fait 3 années de fac.

Je préparais la licence en biologie et elle m’a demandé ce que je comptais faire comme travail. Je lui ai répondu enseignant en biologie et elle m’a dit pourquoi tu n’enseignerais pas le yoga ?

Elle a échangé avec son formateur André Van Lisebeth et j’ai suivi une formation avec lui dans le même esprit, un jeune encouragé par son enseignant, avec la passion d’apprendre.

J’ai commencé à donner quelques cours chez elle et une fois la formation terminée je suis devenu enseignant de yoga.

Etant le premier enseignant de yoga marocain, l’association marocaine de yoga m’a proposé d’être président et j’ai accepté. Le cœur de l’activité était d’accueillir des enseignants de yoga de toutes les écoles.

En plus d’être enseignant de yoga j’étais aussi thérapeute.

A l’époque je voyais bien que le yoga ne réglait pas mes problématiques personnelles et c’était rare de trouver des enseignants de yoga qui utilisaient aussi des techniques de développement personnel comme des rêves éveillés ou des rebirth.

François Lorin, qui travaillait avec Richard Moss sur le développement personnel, est venu faire un week-end au Maroc, je lui ai proposé de venir faire une formation et nous avons démarré une collaboration pour former des enseignants de yoga jusqu’en 2003.

Je ne voulais pas rester dans la lignée du yoga de Desikachar car j’avais d’autres sources d’apprentissage du yoga. Peter Hersnack m’a encouragé à créer mes propres formations.

A l’époque j’étais aussi dans le soufisme François Lorin m’a beaucoup encouragé à adapter le yoga au contexte culturel dans lequel je me trouvais.

Je me suis beaucoup appuyé sur cette vision qui correspondait à la mienne.

Dans la transmission du yoga, c’est surtout le désir d’apprendre chez les gens qui est le moteur. La transmission est celle d’une vision, d’une méthodologie, le yoga est avant tout un processus de transformation. C’est un état et également un processus.

C’est important de s’adapter aux personnes, quelque soient leurs conditions. Il m’est arrivé d’accueillir des jeunes sans moyens et de m’adapter à eux quand il y a un désir fort de cheminer. En contrepartie, je leur ai demandé ce qu’il pouvait amener à la vie de l’association.

 

Qu’est qui t’anime vraiment dans le yoga et quel est pour toi l’essentiel de la transmission ?

De mon point de vue, l’essentiel est la quête de Soi.

Dans les grands moments de ma vie, il y avait quelque chose qui m’habitait et je ne savais pas ce que c’était. A chaque fois j’allais chercher à l’extérieur et j’étais ramené vers moi-même et invité à creuser en fonction de mes appartenances, ma culture…

C’est important de réaliser que cette quête est dans la vie de chacun de nous.

 

Certains élèves viennent au yoga pour apprendre les postures dans la version aboutie car la quête se manifeste à travers la perfection physique.

D’autres veulent enseigner, ils sont à la recherche de soi à travers cette position d’enseignant.

Pour moi être un transmetteur, c’est être un animateur. C’est créer les conditions pour que chacun trouve les moyens habiles pour aller vers ce chemin de transformation.

 

 Quel a été ton cheminement pour découvrir ta propre autorité ?

Certains enseignants transmettent un yoga de la dépendance (une autorité qui sait et d’autres qui sont en train d’apprendre) pour respecter l’intégrité, une pureté d’enseignement…Les élèves doivent suivre des cycles de formation continue au sein de leur école et reste dans un rapport de dépendance avec leur enseignant.

Ce n’est pas ma démarche.

Je considère que la tradition est universelle. Ce qui m’a personnellement permis de vivre ça, c’est d’être dans l’enseignement du yoga et de suivre en parallèle une voie initiatique comme le soufisme et auparavant le siddha yoga. J’avais bien saisi la nécessité de rester dans une certaine lignée mais pas avec des figures particulières.

Je peux emprunter tel ou tel outil mais je reste fidèle à la tradition, à la voie initiatique. Ce n’est pas une question d’autonomie mais de maturité.

Aujourd’hui, je suis plusieurs enseignants tout en restant dans la transmission initiatique. Je reste en lien avec une tradition. C’est difficile à exprimer. J’ai eu un seul guru gurumayi qui m’a donné cette shakti, qui a ouvert cet espace dans le cœur, et ensuite j’ai eu divers enseignants.

Ce qui m’anime là où je suis c’est de rester en contact avec cette énergie de cœur à cœur.

C’est une énergie qui passe qui ouvre quelque chose, un coup de pouce et ensuite ça ne nous appartient plus.

C’est la voie de la spontanéité. Il y a des rencontres, quelque chose passe de cœur à cœur puis chacun continue son propre chemin. Ca nous relie avec notre propre force, notre propre puissance qui attend juste d’être propulsée.

Quand la personne est mûre, la rencontre devient comme un catalyseur. C’est super. C’est important de ne pas limiter le yoga au travail sur le tapis. Même si on n’est pas tous des enseignants de yoga, on peut tous être des transmetteurs de yoga. Je ne veux pas former des imitateurs, ce n’est pas la vocation du yoga. La vocation c’est la transformation radicale !

A un moment ou à un autre ça vient et ça te propulse.

Cette démarche de yoga risque de chambouler beaucoup de choses en eux car elle invite la personne à revoir sa vie, sa position dans la vie. C’est un travail sur soi que l’on peut poursuivre jusqu’à sa mort. C’est quelque chose qui peut être vécu comme perturbant car ça nous fait bouger à l’intérieur.

C’est important d’être prêt à accepter des moments de vulnérabilité et de remises en question. Pour rester fidèle à soi on se doit d’accepter de voir vraiment ce qui se passe au risque de trouver des choses qui nous déplaisent.

C’est important d’être accompagné pour mettre de l’ordre dans sa vie et être prêt à aller jusqu’au bout. L’accompagnateur est simplement une présence bienveillante qui accueille et dès qu’elle sent que la personne est prête, s’est suffisamment structurée, elle va la pousser. En tant qu’enseignant c’est important d’avoir une palette d’outils pour accompagner au mieux son élève vers lui-même.